Climaviation, fusion des mots Climat et Aviation, est une action de recherche ambitieuse pour comprendre et quantifier les impacts climatiques de l’aviation. Climaviation est financé sur la période 2021-2026 par la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) dans le contexte du Plan national de Relance et de Résilience français et NextGenerationEU. Cette action rassemble une trentaine de chercheurs de l’Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL) – représenté en particulier par ses tutelles Sorbonne Université et le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) – et de l’Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales (ONERA).


Face à l’urgence climatique, l’aviation est aujourd’hui engagée dans une stratégie de décarbonation accélérée à l’échelle mondiale, qui fixe des objectifs de réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) à l’horizon 2050. Cette stratégie repose sur l’intensification des efforts d’amélioration de l’efficacité énergétique des appareils et de leurs opérations, mais aussi sur le recours à des carburants alternatifs à faible empreinte carbone, voire à de nouveaux vecteurs énergétiques décarbonés comme l’hydrogène.

Le CO2 n’est toutefois pas le seul contributeur à l’impact climatique global de l’aviation. Les moteurs d’avion émettent aussi dans la haute atmosphère des oxydes d’azote (NOx), de la vapeur d’eau et des particules. Au travers de processus physico-chimiques complexes, ces composés génèrent également des perturbations du bilan radiatif terrestre qualifiées d’effets «non-CO2».

Selon les modélisations climatiques les plus récentes, l’impact des effets non-CO2 pourrait être supérieur à celui du CO2, au moins sur le court terme. Mais les effets non-CO2 sont beaucoup plus incertains du fait de la complexité des mécanismes à modéliser et des échelles à prendre en compte dans les simulations.

Pour minimiser l’impact climatique totale de l’aviation, il est par conséquent indispensable de mieux comprendre et quantifier les effets non-CO2 puis de les prendre en compte dans les stratégies de réduction de cet impact.

Les objectifs de Climaviation sont donc:

  1. De mieux comprendre et quantifier les mécanismes les plus incertains de l’impact climatique de l’aviation
  2. D’évaluer les impacts liés aux nouveaux combustibles (biocarburants, électrocarburants, hydrogène)
  3. D’étudier et proposer des stratégies de minimisation basées sur des synergies et/ou compromis entre effets CO2 et non-CO2.

Les impacts de l’aviation sur le climat non liés au CO2.

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  • Les oxydes d’azote (NOx), formés à haute température lors de la combustion dans les moteurs, réagissent et contribuent indirectement au réchauffement climatique en formant de l’ozone tandis qu’ils provoquent un effet refroidissant en détruisant du méthane atmosphérique. L’ozone et le méthane sont tous deux des gaz à effet de serre.
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  • La vapeur d’eau, principal produit de la combustion des hydrocarbures, avec le CO2, forme des cristaux de glace en se condensant puis en gelant, et génère les traînées de condensation, qui en fonction des conditions atmosphériques peuvent persister jusqu’à plusieurs heures et éventuellement évoluer en nuages, les cirrus induits, avec un impact radiatif local important. Ces cirrus induits peuvent avoir deux effets antagonistes. En fonction de l’heure de la journée, ils peuvent réfléchir le rayonnement solaire (ce qui provoque un refroidissement), mais peuvent aussi bloquer le rayonnement infrarouge sortant (ce qui provoque un réchauffement).
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  • Les particules de combustion, essentiellement les suies générées par une combustion incomplète, jouent le rôle de noyaux de condensation dans la formation des cristaux de glace constituant les traînées de condensation. Elles servent également de noyaux de condensation aux nuages dans l’atmosphère. Les gaz précurseurs de composés organiques volatils (COV) et les oxydes de soufre générés par la combustion peuvent aussi former des particules (aérosols secondaires) qui peuvent agir comme noyaux de condensation pour les nuages.

Le changement du bilan d’énergie de la Terre dû à ces impacts, ainsi qu’à l’impact des émissions de CO2, est appelé forçage radiatif. La figure ci-dessous montre les estimations et les incertitudes actuelles sur les différentes composantes de ce forçage.


Estimations des contributions principales au forçage radiatif effectif, en mW.m-2, de l’aviation mondiale en 2018 résultant des émissions depuis 1940, selon Lee et al. (2021). De gauche à droite, les termes correspondent au forçage par les cirrus induits par l’aviation dans les régions sursaturées par rapport à la glace, les émissions de dioxyde de carbone (CO2), les émissions d’oxydes d’azote (NOx), et les interactions entre les particules (aérosols) émises par l’aviation et les nuages naturels. Les connaissances scientifiques actuelles ne permettent pas d’estimer ce dernier terme. Les deux barres grises à droite donnent la somme des termes de forçage non-CO2, et le forçage total. Les barres d’erreurs indiquent l’intervalle de confiance 5-95%.